Les forces étrangères doivent complètement évacuer notre territoire

Les forces étrangères doivent complètement évacuer notre territoire

Cet article a été traduit par Oumina Abdul kabeer

 Révisé par Aya Mohamad Abdel Fattah 

Lord Killearn, ancien ambassadeur britannique, dirige une campagne contre l’Égypte basée malheureusement sur des éléments réactionnaires qui ne croient qu'en l’asservissement des peuples. Celui qui pense que Lord Killearn et ses compagnons se sont plongés dans cette campagne téméraire par souci des intérêts du peuple britannique se trompe. La vérité évidente est que ce groupe ne s’en prend pas seulement à un peuple, mais à tous les peuples, y compris le peuple britannique lui-même.

Des personnages comme Lord Killearn veulent détourner le peuple britannique pour qu'il sous-estime les mouvements nationaux en Égypte et au Soudan, voire dans tout le Moyen-Orient. Nous savons parfaitement comment différencier entre les colonialistes intransigeants, les concessionnaires et ceux qui détiennent le pouvoir et les intérêts propres en Grande-Bretagne, et le peuple britannique que nous voyons souffrir sous le poids de cette politique coloniale, qui entraîne pour lui des coûts, des agressions et des pertes.

Lord Killearn est un modèle archaïque, totalement incompatible avec l’esprit du temps présent, où l'égalité entre les peuples est devenue un principe établi qu’on ne peut ni nier ni même discuter. Il représente des opinions qui reposaient sur des bases de conquête, d'invasion, d'exploitation et de recours à la force pour imposer la domination sur les peuples.

Cependant, Lord Killearn est un homme franc, mais sa franchise est de celles qui nuisent à ses concitoyens eux-mêmes, car elle leur attribue des objectifs égoïstes et des ambitions coloniales que les politiciens et responsables britanniques s’efforcent de cacher ou de nier. Il reste influencé par des idées et des théories en relations internationales qui remontent au XIXe siècle, voire bien avant.

Il déclare : « Notre emprise sur le Moyen-Orient commence à se relâcher », et lorsqu'il évoque l'accord sur le Soudan, il dit par la voix de l’un de ses partisans : « L’autogouvernance d’un peuple analphabète (en parlant du peuple soudanais) est absurde. » Cela signifie que l’Angleterre, dans sa politique à l'égard du Moyen-Orient en général, et de l'Égypte en particulier, vise à une domination pure et simple et ne souhaite en aucun cas que cette domination diminue.

Décrire le Soudan comme un peuple analphabète revient en réalité à accuser directement l'administration britannique au Soudan durant plus d’un demi-siècle. De plus, il contredit les responsables politiques britanniques lorsqu'ils affirmaient toujours que leur objectif était de permettre au Soudan d'accéder à l’autonomie. Cela prouve que ce qu'ils répétaient à cet égard ne reflétait ni la vérité ni la réalité.

Néanmoins, nous ne sommes pas surpris par cette campagne contre l'accord sur le Soudan, car elle est née de la colère suscitée par la perte, pour des gens comme Lord Killearn, des symboles et des bénéfices du pouvoir et du contrôle au Soudan.

Lord Killearn poursuit sa campagne contre l’Égypte en déclarant dans un autre article : « Nous sommes rapidement chassés de place en place, d'Abadan, du canal de Suez et du Soudan. »

Je ne peux que plaindre cet homme et sa logique. Ce qu’il appelle "chasse" n'est en réalité que la victoire des mouvements nationalistes dans cette région du monde. Les peuples de ces pays ne supportent plus qu'une autorité extérieure leur soit imposée. Si les Anglais sont chassés d'Iran, d'Égypte et du Soudan, c’est bien parce qu'ils ont failli. Leur politique n’a pas su percevoir l’esprit nouveau qui règne dans ces pays.

Cette politique que Lord Killearn et ses semblables louent va en fait à l’encontre des intérêts vitaux et réels du peuple britannique. Il n’est pas nécessaire d’aller chercher des exemples, la crise iranienne a causé à la Grande-Bretagne d'énormes pertes financières et morales. Si cette politique avait été plus éclairée, elle aurait su comment concilier les intérêts légitimes de l’Iran avec ceux, raisonnables, de la Grande-Bretagne.

Killearn met en garde le peuple britannique contre Mohammed Naguib et Gamal Abdel Nasser, prétendant que nous nourrissons des intentions malveillantes à l’égard de la Grande-Bretagne ! Qu'il sache que tous les Égyptiens, y compris nous, les leaders du mouvement révolutionnaire, ne nourrissons absolument aucun mal, comme il le prétend, ni envers la Grande-Bretagne, ni envers le peuple britannique, ni envers aucun autre peuple. Au contraire, nous sommes un peuple qui a assez souffert des maux dont nous avons enduré l'amertume et les malheurs. Le peuple égyptien s’est soulevé avec nous pour éliminer le mal et le remplacer par le bien.

Je tiens à m’adresser directement au peuple britannique, non pour le tromper, comme le fait Lord Killearn, mais pour révéler la vérité afin qu’il soit pleinement informé. Je me demande : le peuple britannique accepterait-il, s'il était à notre place, que son pays soit occupé contre sa volonté ? Serait-il convaincu par n'importe quel argument, quel qu’en soit le prétexte, qui justifierait une occupation étrangère de son territoire pendant soixante-dix ans, avec des promesses répétées de retrait et d’évacuation ? Il ne fait aucun doute qu’un tel peuple rejetterait cette situation pour protéger son droit sacré à une liberté totale.

La Grande-Bretagne a beaucoup sacrifié pour défendre sa liberté au cours des guerres passées, et nous ne serons pas moins disposés à faire de même. En fait, notre détermination à lutter pour notre liberté est peut-être encore plus grande après avoir subi l'asservissement pendant plus de soixante-dix ans.

Nous tenons à parvenir à un règlement pacifique, tout en insistant fermement sur nos droits naturels à la liberté et à l'indépendance, conformément à la Charte des Nations Unies. Si nos espoirs sont anéantis, nous n’hésiterons pas, comme tout peuple qui ressent sa dignité et son droit sacré à la liberté et à l’indépendance, à emprunter tout chemin pour obtenir nos droits, quels que soient les sacrifices que nous devrons faire, pour gagner la liberté et laisser à nos enfants, après nous, ce que tout pays considère comme le plus précieux : l'indépendance et la liberté.

Je vais conclure par un message bref mais clair : les forces étrangères doivent évacuer complètement et inconditionnellement notre territoire. Une fois que notre souveraineté sera pleinement rétablie et notre liberté totale, l'Égypte saura comment se défendre contre toute agression qui menacerait son intégrité.

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Déclaration du Bakbashi Gamal Abdel Nasser au rédacteur en chef de l'Agence de presse égyptienne concernant la campagne de la Grande-Bretagne contre l'Égypte

Datée du 5 avril 1953.