Je ne crois pas à l’idée d’appeler les gens au contrôle des naissances par les ordres ou la propagande, l’enseignement est la seule solution pour résoudre ce problème

Je ne crois pas à l’idée d’appeler les gens au contrôle des naissances par les ordres ou la propagande, l’enseignement est la seule solution pour résoudre ce problème

Cet article a été traduit par  Nadine Michel Nakhla

 Révisé par Aya Mohamad Abdel Fattah 

Une question de la part du locuteur : À l’occasion du tapage existant aux Nations Unis autour du problème de privation des navires israéliens de traverser le canal de Suez et à l’occasion de ce qui est dit par le Dr. Mohamed Fawzi, ministre des affaires étrangère de la République Arabe Unie, que ce problème est une partie de celui de toute la Palestine, nous voulons donc vous demander quelles sont les conditions qui pourront aider à trouver une solution au problème pour atténuer la tension dominant maintenant la région du Moyen Orient ?

Israël dit que la cause et la source de cette tension actuelle est votre insistance à empêcher ses navires de traverser le canal de Suez bien qu’il existe une décision prise par le conseil de sécurité en 1951 qui vous oblige expressément de permettre à faire traverser ses navires mais- selon le gouvernement israélien- vous insistez à refuser cette décision. Que dites-vous ?

Le président Nasser : En ce qui concerne la tension aigue qui règne maintenant la région, indépendamment de ses causes et ses motifs, une partie d’elle est une tension artificielle qu’Israël souhaite créer pour qu’elle puisse collecter la plus grande somme d’argent possible.

En matière du tapage existant aux Nations Unies autour de la privation des navires israéliens d’utiliser le canal de Suez, je pense que ce n’est pas normal de mettre en œuvre les résolutions des Nations Unies, alors qu’Israël rejette ces résolutions dans leur ensemble, notamment celles relatives aux droits des arabes palestiniens. Israël a même refusé de se limiter au comité de conciliation créé en 1949, composé des États-Unis, de la France et de la Turquie afin d’étudier les moyens par lesquels les résolutions des Nations Unies peuvent être mises en œuvre. Israël a assisté à une ou deux réunions de celles du comité puis, il s’est avéré que l’objectif de cette participation c’était de paraître obéissante aux résolutions des Nations Unies pour pouvoir adhérer à cette organisation internationale. Le jour où elle a pu réaliser cet objectif, elle a révélé que tout son intérêt pour le comité et les résolutions des Nations Unies est terminé ensuite, toutes ses actions se sont transformées en une propagande seulement.

Ainsi sa demande répétée pour négocier avec les Arabes, alors que la question n’a pas besoin ni de négociations ni de recherche de solutions ; car ces dernières existent dans les résolutions des Nations Unies et le moyen pour les mettre en œuvre existait sous forme de comité créé par les Nations Unies et accepté par les arabes et Israël pour mettre en place les résolutions. Cependant, Israël ne s’est pas limité aux résolutions ou au comité chargé de sa mise en œuvre. Donc, Israël ne souhaite pas résoudre le problème et mettre fin à l’état de tension mais il exige la propagande et la levée de fonds.

Quant au côté arabe, il est clair qu’il y a diverses causes pour se préoccuper, en outre ce qui s’est passé en Palestine et pour son peuple, ainsi que le reniement d’Israël des résolutions des Nations Unies. Israël a toujours suivi une politique agressive envers les Arabes. L’agression était toujours sa politique. Nous ne pouvons pas oublier les événements qui ont eu lieu en 1956 qui n’était pas uniquement une agression mais étaient plutôt une invasion. Nous ne pouvons pas oublier qu’Israël a déclaré qu’une partie des territoires égyptiens, d’où l’armée s’est retirée pour affronter les armées britanniques et français qui sont arrivés au canal de Suez, a été annexé à Israël, fortement forcé à se retirer après le retrait de la Grande Bretagne et de la France.

Une question de la part du locuteur : Est-ce que la république arabe peut proposer des suggestions précises qui clarifient sa position devant l’opinion publique et mettent l’État devant le fait accompli ?

Le président Nasser : J’ai expressément dit le 22 juillet que nous sommes prêts à accepter les résolutions des Nations Unies à condition qu’Israël respecte les résolutions des Nations Unies et les mette vraiment en œuvre.

Une question de la part du locuteur : Voulez-vous dire toutes les résolutions des Nations Unies ayant rapport à la Palestine ?

Le président Nasser : Sûrement toutes les résolutions ayant rapport à la Palestine sont indivisibles ; le droit des réfugiés au retour, les droits aux propriétés et à ses indemnisations, le droit des territoires palestiniens. La question est claire et simple, nous réclamons les droits du peuple palestinien mais Israël refuse et nous demandons de mettre en œuvre les résolutions des Nations Unies concernant la Palestine mais Israël désobéit les Nations Unies.

Ensuite, Israël exige le droit de passer par le canal de Suez, en ignorant les droits des Arabes, puis insiste sur sa demande et fait du tapage aux Nations unies. Se peut-il que les résolutions des Nations unies soient contraignantes pour un groupe et non pour un autre ? Si nous acceptons le passage des navires israéliens par le canal de Suez, cela signifie que nous acceptons qu'Israël obtienne toutes ses demandes et que les Arabes perdent tous leurs droits. En outre, nous empêchons les navires israéliens d'exercer nos droits garantis par les conventions internationales, en particulier la convention de Constantinople de 1888, qui nous donne ce droit en cas de guerre afin d'assurer la sécurité de la région dont le territoire est traversé par le canal.

En ce qui concerne l'état de la guerre, j'ai été surpris que Selwyn Lloyd, ministre britannique des Affaires étrangères, lorsque l'agression contre l'Égypte a échoué en 1956 et que les forces d'invasion ont été contraintes de battre en retraite, m'ait demandé, par l'intermédiaire de M. Dag Hammarskjöld, Secrétaire général des Nations unies, une lettre dans laquelle nous nous engageons à ne pas appliquer aux navires britanniques ce que nous appliquons aux navires israéliens. Le point de vue de Selwyn Lloyd dans cette affaire comprenait la reconnaissance explicite de l'existence d'un état de guerre entre nous et Israël, ainsi que sa demande d'exempter les navires britanniques de l'application des conditions de l'état de guerre à leur égard, au motif que la Grande-Bretagne avait retiré les forces d'agression de notre territoire. C’est ce qui a vraiment eu lieu, car lorsque nous avons vérifié le retrait des forces d'agression britanniques et françaises, nous avons remis cette lettre au secrétaire général des Nations Unies pour qu'il l'envoie au gouvernement britannique.

Quant à Israël, il est clair que l'état de guerre est toujours en cours et qu'il le restera tant que son agression contre nos territoires arabes se poursuivra. Il est étrange que "M. Selwyn Lloyd" ait oublié tout cela en parlant, il y a quelques jours, à l'Assemblée générale des Nations unies, de la question de l'interdiction du passage des navires israéliens par le canal de Suez.

Question de la part du locuteur : La résolution du Conseil de sécurité de 1951 a estimé que l'armistice mettait fin à l'état de guerre.

Le président Nasser : À notre avis, l'armistice n'a pas mis fin à l'état de guerre ; l'agression israélienne contre la terre arabe en Palestine existe toujours, et les intentions agressives d'Israël existent toujours, et je reviens encore à l'agression de 1956 pour que ceux qui imaginent que l'armistice a mis fin à l'état de guerre ne l'oublient pas.

Question de la part du locuteur : N'y a-t-il pas un moyen pratique de trouver un point de départ pour résoudre ce problème ?

Le président Nasser : Le seul point de départ est la mise en œuvre de toutes les résolutions des Nations Unies, et nous ne pouvons pas nous imposer à nous seuls de respecter les résolutions des Nations Unies alors que d'autres sont autorisés à les bafouer. Tous nos problèmes avec Israël étaient dus à notre acceptation de la mise en œuvre des résolutions des Nations Unies. Permettez-moi de vous rappeler ce que j'ai personnellement vu lorsque j'étais officier en Palestine ; les forces israéliennes n'ont pas été en mesure d'occuper tous les territoires arabes qu'elles ont occupés, mais uniquement parce que les pays arabes ont accepté de respecter les résolutions des Nations Unies visant à cesser les hostilités, alors que pour Israël, ces résolutions n'étaient qu'une occasion sûre de poursuivre l'agression, et ont affaibli notre position à l'époque parce que nous avons placé notre confiance dans les Nations unies et imaginé qu'elles étaient capables de renvoyer les agresseurs et de mettre en œuvre leurs résolutions. Comme je l'ai dit, nous sommes prêts à mettre en œuvre toutes les résolutions des Nations unies, à condition qu'elles soient respectées par les autres comme elles le sont par nous.

Les Nations Unies sont plus fortes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient en 1948, et leur prestige est plus respecté. Nous sommes prêts à fournir toute l'assistance nécessaire aux Nations unies pour mettre en œuvre leurs résolutions, et si les Nations unies souhaitent former un comité ou un organe dont la tâche est de mettre en œuvre les résolutions des Nations unies, nous sommes prêts à coopérer avec ce comité ou cet organe.

Question de la part du locuteur : Ceci explique la situation en Palestine. Autorisez-vous de passer à un autre sujet ? Nous aimerions vous interroger sur la crise avec la Chine. Envisagez-vous que cette crise conduise à la rupture des relations avec le gouvernement de Pékin ?

Le président Nasser : Donner l'occasion à l'un des communistes qui travaillent contre leur patrie de s'exprimer lors d'une célébration officielle telle que le 10ème anniversaire de la révolution chinoise en présence de nos ambassadeurs n'était pas un acte amical, et nous avons traduit ce comportement de la part du gouvernement chinois comme étant d'accord avec ce que Khaled Bekdash a dit ; parce qu'il n'est pas concevable qu'un gouvernement dans ses relations avec un autre gouvernement en arrive à ce point, à moins qu'il n'y ait un désir de défiance et d'insistance sur ce point.

Nous avons demandé au chargé d'affaires à Pékin de protester, puis nous avons demandé à l’appeler au Caire pour clarifier les détails de la situation, et nous étudions les mesures que nous pouvons prendre, et notre position est claire : nous n'acceptons les insultes de personne, et nous considérons ce qui s'est passé en Chine comme une insulte. Nous n'acceptons l'ingérence de personne et nous considérons ce qui s'est passé en Chine comme une ingérence dans nos affaires intérieures.

Question de la part du locuteur : Cela va-t-il jusqu'à la rupture des relations ?

Le président Nasser : Je ne pense pas qu'on en arrivera là.

Question de la part du locuteur : Existe-t-il des preuves indiquant que les Chinois, par l'intermédiaire de leur ambassade ou de leurs institutions diplomatiques, ont aidé des éléments subversifs en République arabe unie ?

Président Nasser : Nous ne sommes pas au courant de cela, et si nous l'avions découvert, nous ne l'aurions pas passé sous silence.

Question de la part du locuteur : Dans une interview récente dans laquelle vous avez mentionné les raisons de votre reconnaissance de la Chine, vous avez dit que vous reconnaissiez le gouvernement de Pékin parce que c'est le gouvernement de la Chine.

Le président Nasser : C'est une question de géographie factuelle.

Question de l'intervieweur : Regrettez-vous cette reconnaissance ?

Le président Nasser : Bien sûr que non, nous n'avons pas regretté notre reconnaissance de la Chine, et c'est toujours notre opinion, et c'est la règle de la nature. Le gouvernement qui gouverne en Chine est, à notre avis, le gouvernement de la Chine, et il ne peut pas être ignoré ou négligé, donc notre opinion sur la provocation contre nous en Chine n'était pas un sentiment de regret pour le passé, mais un sentiment de regret parce que, alors que nous faisions de notre mieux pour développer notre amitié avec la Chine, nous avons été surpris par un acte inamical qui s'est manifesté par leur soutien aux communistes locaux.

Question de la part du locuteur : Cela affecte-t-il votre position à l'égard de la Chine aux Nations Unies ?

Le président Nasser : Non, nous continuons à penser que la Chine doit devenir membre des Nations unies, à la fois géographiquement, parce qu'on ne peut pas ignorer la réalité, et politiquement, pour qu'elle sente sa responsabilité devant le monde. Pour nous, c'est une question de principe, mais les actes de la Chine à notre égard ou à l'égard des autres sont une autre question. En tout cas, malgré l'attitude hostile de Radio Pékin à notre égard, notre délégation aux Nations Unies a voté en faveur de l'admission de la Chine comme membre des Nations Unies il y a seulement dix jours.

Question de l'interviewer : Selon certaines informations, la République arabe unie se concerterait avec les pays d'Asie et d'Afrique au sujet de l'attitude de la Chine à leur égard.

Le président Nasser : Ce n'est pas le cas.

Question de la part du locuteur : Lorsque j'étais en Irak, j'ai eu le sentiment que les Chinois soutenaient le parti communiste irakien dans sa politique de violence visant à prendre le pouvoir, ce qui confronte le monde arabe à un problème plus grave que le simple fait d'autoriser Khalid Bekdash à prononcer un discours à Pékin.

Le président Nasser : En fait, la principale raison de la tension entre la République arabe unie et le gouvernement irakien est l'activité, les campagnes et les conspirations du parti communiste irakien en coopération avec le parti communiste syrien. Un certain nombre de membres du parti communiste syrien se sont rendus en Irak avec un certain nombre de membres du parti communiste irakien réfugiés en Syrie et, dès la première minute qui a suivi la révolution irakienne, ils ont commencé à travailler contre la République arabe unie. Si l'on reprenait les journaux et la radio irakiens à la même époque l'année dernière et un mois ou deux avants, on trouverait une campagne empoisonnée contre la République arabe unie par insinuation, visant à nous offenser devant le peuple irakien et l'opinion publique arabe, puis la campagne s'est transformée en une attaque ouverte qui ne se cache pas et n'hésite pas à inventer, à fabriquer, à inciter et à conspirer ouvertement. C'est ce qui nous a poussés, le 23 décembre 1958, à attirer l'attention sur l'activité non arabe des partis communistes en Irak essayant de l'étendre à la Syrie afin de frapper et d'influencer l'ensemble du mouvement nationaliste arabe.

Nous devions les mettre en lumière et dévoiler leurs tentatives afin que l'opinion publique arabe puisse les voir pour ce qu'ils sont réellement ; car l'opinion publique arabe est la véritable force du mouvement nationaliste arabe, et son suivi conscient des développements est la garantie la plus sûre de l'intégrité de ce mouvement et de sa capacité de persuasion. L'opinion publique arabe a été en mesure d'exposer les communistes en Irak comme des agents voués à travailler contre leur pays et le nationalisme arabe.

Un communiste irakien a déclaré que l'Irak était la dernière base du monde arabe et que si les partis communistes ne parvenaient pas à la renforcer et à promouvoir les opportunités d'emploi dans ce pays, le champ d'activité communiste dans les pays arabes perdrait sa capacité de mouvement et deviendrait sans fondement. C'est ce à quoi travaillent les partis communistes dans les pays arabes, qui utilisent maintenant l'Irak comme base pour infiltrer le monde arabe, avec la Syrie en tête.

Question de la part du locuteur : Comment peut-on résister au communisme de ce point de vue, c'est-à-dire dans le monde arabe ?

Le président Nasser : Le communisme est une doctrine. Les doctrines ne peuvent être confrontées qu’à des doctrines. La révolution du 23 juillet 1952 en Égypte a arrêté la progression des organisations communistes en présentant au peuple égyptien une doctrine inspirée de ses propres circonstances, de ses principes, de son histoire et de son énergie créatrice. Avant la révolution, les communistes, bien que peu nombreux, contrôlaient les foules en exploitant les objectifs nationaux perdus avant la révolution, mais la lutte pour l'indépendance et la victoire qu'elle a remportée, la lutte pour le non-alignement et la victoire qu'elle a remportée, la lutte contre le nationalisme arabe et la victoire qu'elle a remportée, les projets de société démocratique, socialiste et coopérative et les efforts qui y ont été consacrés, tout cela a conduit à confronter la doctrine communiste à une autre doctrine authentique ayant des racines réelles dans notre vie, et a ainsi abouti à l'isolement complet des communistes. Comme je l'ai dit, le danger des communistes réside dans leur contrôle des foules, et dans les sociétés dominées par le féodalisme, la réaction, l'exploitation et les armées d'occupation, le champ d'action des communistes devient large et spacieux. Je dis cela pour qu'il soit clair que lorsque nous luttons contre le communisme, nous ne pouvons pas encourager ou permettre l'établissement d'éléments réactionnaires, nous ne pouvons pas permettre l'établissement de sphères d'influence, nous ne pouvons pas permettre l'exploitation, ni le contrôle de l'intérieur ou de l'extérieur.

Question de la part du locuteur : Votre révolution s'est déroulée sans effusion de sang, pensez-vous que cela l'a compromise ?

Le président Nasser : Au contraire, je considère que la tolérance qui a caractérisé notre révolution a été l'un des plus grands facteurs de son succès. Notre objectif était de réaliser l'unité du peuple, et le terrorisme ne peut pas réaliser l'unité d'un peuple, pas plus que l'effusion de sang ne peut assurer la sécurité de la patrie et mobiliser les efforts de son peuple pour construire son avenir. La violence divise et ne rassemble jamais. Nous avons hérité de nombreux problèmes du passé, y compris des situations héritées qui ont été rendues possibles par les circonstances, et si nous faisions face à tout cela en versant le sang, nous aurions perdu à jamais l'unité de la patrie et la solidarité de son peuple.

Je considère la famille comme l'unité de notre société, et je considère presque le village comme une famille entière, et dans mon village, par exemple - Bani Murr - nous sommes 4 000 personnes, mais il y a des liens familiaux qui lient presque tout le village les uns aux autres, et si nous frappions des individus dans ces villages par la violence, la réaction serait générale. Au début de la révolution, nous avons été confrontés à des conspirations internes et nous avons pris des mesures à leur encontre, mais ces mesures n'avaient pas pour but le terrorisme, ni la vengeance ; l'intention était plutôt d'expliquer tous les faits à la population. C’est pourquoi, nous jugions les conspirateurs, nous révélions toute la vérité devant tout le monde, puis des jugements étaient rendus contre eux, et dans la plupart des cas, nous libérions ceux contre lesquels des jugements ont été rendus. À notre avis, il ne s'agissait pas d'une vengeance, mais d'une prise de conscience totale de la population, et le résultat a été que les éléments de la conspiration ont été isolés de la population, ce qui a mis fin à leur dangerosité.

Question de la part du locuteur : Il semble que les relations de la République arabe unie et les États-Unis d'Amérique aient commencé à se fonder sur une nouvelle base, nous avons reconnu votre neutralité, et vous aussi, j'imagine, vous trouvez maintenant que la coopération entre nous et vous est possible ?

Le président Nasser : En tant que petit pays, nous cherchons à entretenir des relations amicales avec tous les pays du monde, en particulier les grands pays, et ce n'est ni notre opinion ni notre politique d'avoir de mauvaises relations avec qui que ce soit, et en ce qui concerne nos relations avec les États-Unis, nous avons toujours défendu nos convictions, et avec la fin de la pression exercée sur nous, nous nous félicitons du retour à des relations normales.

Question de la part du locuteur : Avez-vous le sentiment que les relations se sont améliorées ?

Le président Nasser : Dans le domaine des relations internationales, il n'est pas possible de transformer de mauvaises relations en bonnes relations d'un simple trait de plume, mais ce qui est certain, c'est qu'avec la fin des pressions, les choses reviendront progressivement à la normale.

Question de la part du locuteur : Y a-t-il des signes que les États-Unis poursuivent une politique hostile à votre égard ?

Président Nasser : Oui, dans toutes les questions concernant nos problèmes avec Israël, chaque point de vue d'Israël est d'une grande importance pour vous, et chaque point de vue des Arabes est négligé. Nous avons acquis le sentiment, confirmé par de nombreuses expériences, que les intérêts d'Israël sont au premier plan, et j'en veux pour preuve ce que le secrétaire d'État américain a déclaré il y a quelques jours à propos du problème du passage des navires israéliens par le canal de Suez. Votre secrétaire d'État a parlé de ce qu'il a appelé le droit d'Israël à utiliser le canal, se souvient-il d'avoir dit un mot sur les droits des Arabes en Palestine ? Le prétendu droit d'Israël à utiliser le canal de Suez est quelque chose qui, à mon avis, ne peut être comparé aux droits légitimes des Arabes à leur patrie, à leur terre et à leurs maisons.

Question de la part du locuteur : Quelle est la prochaine étape dans la structure politique interne de la République arabe unie ?

Le président Nasser : L'opportunité a atteint ses étapes finales, et dans les deux prochaines semaines, nous annoncerons le tableau complet des formations de l'Union Nationale, qui est la structure de la construction politique interne de la République arabe unie. L'Assemblée Nationale représentant la République arabe unie se réunira en février prochain, comme je l'ai annoncé.

Question de la part du locuteur : Est-ce le parlement qui rédigera la constitution permanente de la République arabe ?

Le président Nasser : Oui.

Question de la part du locuteur : Quels sont les dernières évolutions du projet de la Nouvelle Vallée, qui a été annoncé puis a cessé de faire couler de l'encre ?

Le président Nasser : Les travaux sur ce projet sont en bonne voie et les forces armées effectuent actuellement la majeure partie des travaux par l'intermédiaire du Corps des ingénieurs. J'ai demandé que l'on cesse de faire de la publicité pour ce projet jusqu'à ce que les expériences actuellement menées soient achevées et que le potentiel du projet soit évalué avec précision. D'après les rapports qui m'ont été présentés, il y a maintenant un million de feddans prêts à être cultivés, et la seule chose dont nous voulons nous assurer, c'est qu'il y a suffisamment d'eau permanente avant que l'argent ne soit investi dans l'exploitation proprement dite. Nous sommes en train de forer trente puits dans différentes régions, et des expériences sont menées pour mesurer le débit de l'eau qui en sort, et cette année, dix à vingt mille feddans seront cultivés. Mais ces terres ne seront pas cultivées, comme je l'ai dit, avant l’achèvement d'expériences précises et complètes sur l'écoulement continu de l'eau et son adéquation, et les possibilités qui s'offrent ici atteignent l'existence de terres arables et d'eau en quantité suffisante dans cette région estimée à trois millions de feddans. L'histoire nous prédit que cette région était autrefois peuplée, et avant l'invasion perse, sa population était de huit millions d'habitants, et il y avait une civilisation avancée, et les livres d'histoire dans le récit du voyage d'Alexandre le Grand dans cette région peignent une image claire de cette civilisation. Quoi qu'il en soit, cette année est l'année des expériences. En tout cas cette année est celle des expériences et à la fin de cette année, à la lumière des résultats des expériences, les plans de culture d'un million de feddans commenceront.

Question de la part du locuteur : Existe-t-il une idée pour contrôler les naissances et atténuer l'impact de la surpopulation ?

Le président Nasser : Je ne crois pas qu'il faille appeler les gens à contrôler les naissances par des ordres ou de la propagande, l’enseignement seul résout le problème. Au lieu d'enseigner aux gens comment limiter les naissances, je préfère leur enseigner comment augmenter leur production et élever leur niveau, et à ce moment-là, chacun d'entre eux sera en mesure de planifier sa situation familiale.

À mon avis, au lieu de concentrer nos efforts sur le contrôle des naissances, nous devrions essayer de nous concentrer sur l'utilisation de nos ressources. Nous vivons et utilisons 4% de notre terre, le reste est négligé et abandonné, et si, au lieu de penser à réduire la population, nous dirigeons nos efforts vers l'expansion de la surface de notre terre sur laquelle nous vivons, nous trouverons la solution à nos problèmes.

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Conversation avec le chef du bureau de l’agence « Associated Press » au Caire et le journaliste du « Christian Science Monitor »

Le 9 octobre 1959