Fond de la nationalisation du canal de Suez

Bien que je ne sois pas enclin à discuter de postulations théoriques, j'ai décidé de partager une partie de cette conversation récente qui a eu lieu avec un ami...
• Ami : Abdel Nasser aurait-il pu nationaliser le canal de Suez si votre père n'avait pas découvert le firman du contrat de concession prouvant que la compagnie du canal de Suez était égyptienne et non étrangère ?
• Moi : Nasser aurait pu annoncer la nationalisation du canal de Suez. Cependant, en l’absence de base légale, le litige sur la société nationalisée serait devenu une question d’usurpation des droits des actionnaires d’une société non égyptienne. Ou en d'autres termes : une prise de contrôle ... Par exemple, il est inconcevable de nationaliser la société allemande Siemens ou d'autres sociétés internationales, car il s'agit de sociétés non égyptiennes.
• Ami : Les droits des actionnaires ont déjà été usurpés par la nationalisation du canal de Suez !
• Moi : La nationalisation est un processus mené quotidiennement dans tous les pays du monde. Sa base juridique est de transférer à la collectivité nationale une propriété économique privée afin de servir l’intérêt public. La condition de la nationalisation des moyens de production privés comme les entreprises est la compensation équitable de la perte de la valeur nette des actifs saisis des actionnaires, comme ce fut le cas lors de la nationalisation du canal de Suez par consensus après de longues négociations. Et pour mémoire, la nationalisation peut parfois sauver l’avenir de certaines entreprises en difficulté économique.
• Ami : Si la nationalisation de la compagnie du canal était légale, pourquoi le Royaume-Uni et la France avaient-ils réagi en attaquant l'Egypte pour reprendre le contrôle du canal ?
• Moi : La Compagnie du Canal a déclaré, à l’époque, que l’agression tripartite avait été préjudiciable à ses intérêts. La Compagnie a également annoncé qu’elle n’était pas responsable de l'attaque militaire... Le motif réel de l'agression était le rétablissement de la souveraineté sur le canal de Suez. Toutefois, les motifs étaient purement politiques, selon les mémoires du ministre britannique des Affaires étrangères Anthony Nutting, qui a démissionné, ainsi que du ministre français des Affaires étrangères, Christian Pineau. Tous deux ont indiqué que la France voulait éliminer Abdel Nasser à cause de son soutien à la révolution algérienne. Le ministre Eden a également répugné à Abdel Nasser de s'être opposé au pacte de Bagdad de 1955, que la Grande-Bretagne avait soutenu dans le but de renforcer son pouvoir au Moyen-Orient ... La nationalisation du canal de Suez ne constituait pas la vraie raison derrière l'attaque militaire contre l'Egypte.
• Ami : Une attaque militaire menée par la France contre l'Egypte aurait-elle éliminé le président Abdel Nasser, qui avait soutenu et armé les algériens ?
• Moi : Les aveux enregistrés du chef des services de renseignements français de l'époque, diffusés par "France Inter" il y a quelques années (disponibles sur Internet), confirment que les services de renseignements français ont tenté, depuis la fin de 1954, plusieurs fois d'assassiner Gamal Abdel Nasser. Ils ont même eu recours à l’empoisonner avec l’aide d’un proche. Ils ont même pris des dispositions pour qu'un autre dirigeant puisse gouverner au cas où l'assassinat aurait réussi. Après six tentatives infructueuses et dans l'attente du bon moment, la France et le Royaume-Uni ont mené une attaque militaire contre l'Egypte.
• Ami : Nasser leur a donc donné de bonnes raisons pour mener une attaque militaire contre l’Égypte !
• Moi : Oui, même avant la crise de Suez, les anciennes puissances coloniales avaient tenté d'éliminer Nasser en raison de son soutien aux mouvements de libération du tiers-monde, selon ses positions déclarées à la Conférence de Bandung en 1955 ... Si Nasser n'avait pas prolongé les projets de développement en dehors de l'État égyptien, s'il avait accepté d'adhérer au pacte de Bagdad, s'il avait accepté le droit d'Israël d'exister sans s'ingérer ni défendre les droits des Palestiniens, s'il n'avait pas tenté d'armer l'armée égyptienne, et s’il avait consenti à la souveraineté étrangère sur le canal de Suez, l'agression tripartite aurait pu être évitée.
M. Ali el-Hefnawy