L’Egypte et la Maison Africaine sont depuis 60 ans entre continuité et changement

Traduit par Hassan Badawy Hassanin
Révisé par Ghadir Tamer
Nasser et la présidence de l'Organisation de l'unité africaine
Historiquement, il s’agit de la quatrième fois que l’Égypte assume la présidence de l’Union africaine – auparavant connue sous le nom d’Organisation de l’unité africaine. Tout au long de son histoire, les gouvernements égyptiens ont toujours veillé à jouer un rôle efficace et distinct, en assumant des responsabilités à la hauteur des qualifications de l’Égypte et en cohérence avec ses liens naturels avec notre continent africain, ce qui en fait un acteur régional influent dans les équilibres de pouvoir.
L’Égypte a assumé la présidence de l’Organisation de l’unité africaine pour la première fois en 1964, soit un an après la création de l’organisation. Cela fut le prolongement des efforts continus déployés par l’Égypte en faveur de l’Afrique durant cette période. Le président Gamal Abdel Nasser était alors le planificateur, l’organisateur et le superviseur général de la politique étrangère égyptienne à l’égard de l’Afrique. Il était soutenu par des organes présidentiels, notamment le Bureau des Affaires africaines de la Présidence de la République, qui comptait des personnalités de haut niveau telles que Helmi Sharawy et Mohamed Faiq, ainsi que par le Comité supérieur des Affaires africaines. D’autres organes exécutifs jouaient également un rôle, comme l’Administration africaine du ministère des Affaires étrangères égyptien, les stations de radio et des instances populaires telles que le Comité égyptien pour la coopération afro-asiatique.
À cette époque, l’Égypte a joué un rôle central dans toutes les affaires du continent et a été à l’avant-garde de la lutte contre le colonialisme traditionnel, qui est ensuite devenu une priorité à l’agenda de l’Organisation de l’unité africaine. À cette fin, elle a créé le Comité de coordination pour la libération de l’Afrique. L’Égypte a ainsi repris son rôle de soutien aux mouvements de libération dans le cadre de cette nouvelle structure organisationnelle africaine et elle a contribué le plus important budget au sein de l’organisation, estimé à environ 100 000 livres sterling à l’époque, conformément à l’article 23 de la Charte constitutive.
Bien avant la création de l’Organisation de l’unité africaine, l’Égypte avait déjà pris l’initiative de soutenir les mouvements de libération sur le continent. Le président Gamal Abdel Nasser considérait alors que la sécurité nationale de son pays était indissociable de la sécurité et de l’indépendance des autres États africains. Autrement dit, la libération de l’Égypte du colonialisme passait nécessairement par celle de ses voisins. Dans ce contexte, Le Caire est rapidement devenu une terre d’accueil pour de nombreux dirigeants africains, qui y trouvèrent protection et soutien. Des bureaux furent ouverts pour les représentants des mouvements de libération, qu’ils soient du Kenya, du Nigeria, de l’Ouganda ou encore de la Somalie. L’Égypte a également apporté une assistance militaire, comme en témoignent les aides fournies aux mouvements de libération algériens, et ce malgré les représailles françaises lors de l’agression tripartite contre l’Égypte. L’engagement du Caire allait plus loin : l’Égypte fut à l’origine de la création de l’Union africaine au Caire, une structure destinée à coordonner les activités des mouvements de libération. Au début des années 1960, pas moins de 22 bureaux et organismes y étaient recensés. La Ligue, pour sa part, a publié plusieurs revues importantes telles que La Renaissance de l’Afrique et Le Message de l’Afrique.
Le chef d’État égyptien a également fourni une formation aux cadres des mouvements dans les instituts égyptiens, à l’École des rangers et à l’Académie militaire. Tout cela a contribué à l’achèvement du Comité de coordination pour la libération de l’Afrique, relevant de l’Organisation de l’unité africaine, et à la libération de l’ensemble du continent du colonialisme. Le Comité a ensuite fermé ses comptes bancaires après avoir atteint son objectif.
L’Égypte a également été à l’avant-garde de la lutte contre la discrimination raciale, en refusant notamment les « bantoustans ». Elle a entretenu des contacts permanents avec les peuples africains et les mouvements de libération, en particulier en Afrique du Sud, à travers ses cadres au Caire, grâce à des programmes radiophoniques en anglais, en zoulou et en swahili, et en soutenant le Congrès national africain (ANC). Elle a aussi apporté son soutien aux mouvements ZANU, qui luttaient contre la minorité blanche en Rhodésie, aujourd’hui le Zimbabwe.
Ce n’était qu’un bref aperçu des conditions qui ont permis l’accession de l’Égypte à la présidence de l’Union africaine (anciennement l’Organisation de l’unité africaine) à l’époque de Nasser. Les politiques ont changé avec la succession des présidents, mais elles sont toutes restées unies dans le service de notre continent africain. Quelles étaient donc les conditions qui ont accompagné le retour de l’Égypte à la présidence de l’Union sous le règne du président Al-Sissi ?