Gamal Abdel Nasser reconnaît la Chine et les États-Unis protestent
En jetant un coup d’œil sur l'histoire, on remarque de nombreuses similitudes entrel’Égypte et la Chine au niveau du passé et du présent, car il y avait une sorte de relation entre la civilisation égyptienne antique et les civilisations de la Chine par l’intermédiaire des routes commerciales il y a plus de deux mille ans.
En avril 1955, la rencontre entre les deux parties a été renouvelée et les relations égypto-chinoises se sont développées lorsque le président égyptien Gamal Abdel Nasser a rencontré le leader Zhou Enlai, Premier ministre chinois,lors de la conférence de Bandung, considéré être un tournant historique pour les relations égypto-chinoises. En effet, après cette rencontre, l’Egypte a reconnu la révolution populaire de la Chine.
Selon ce qu’a écritle journaliste Mohammad Hassanein Heikal dans son livre « Abdel Nasser et le monde », les deux se sont rencontrés pour la première fois à « Rangoon », la capitale de la Birmanie, alors qu'ils se rendaient à « Bandung » pour assister à la Conférence des pays neutres et non-alignéstenue le 18 avril 1955. Il ajoute: « Les Chinois tenaient à établir ce contact avec Abdel Nasser, alors que "l'Egypte - Abdel Nasser" commençait à s'imposer en tant queleader dans le monde arabe.Les Chinois surveillaient alors de près le comportement de l'Égypte parce que la position de l'Égypte par rapport à la situation chinoise signifiait la position de toute une région et non d’un seul État. »
Lorsque Nasser s'est arrêté à New Delhi pour accompagner Nehru, le « Premier ministre de l’Inde », l'ambassadeur de Chine dans la capitale indienne a demandé de rencontrer Zhou Enlai et Nasser a accepté avec plaisir, pensant qu'ils se rencontreraient à Bandung, mais lorsque Nasser et Nehru ont atterri de leur avion à Rangoun, ils ont trouvé Zhou Enlai, en train de les attendre à l'aéroport.Nehru s’est chargé donc de les introduire l’un à l’autre en disant : « Dois-je vous présenter l'un à l'autre ? » C'était une journée étouffante, alors, les trois sont restés un moment pour boire du jus de noix de coco frais.Les gens les ont aspergés d'eau parfumée à l’occasion du festival d’eau à Burma : la fête de Shan Jan. Selon les présents à cette scène,Zhou Enlai regardait Nasser avec une certaine admiration.Ce soir-là, les deux dirigeants ont mené des pourparlers historiques cruciaux qui ont finalement conduit l'Égypte à conclure le premier accord d'armement avec l'Union soviétique en septembre1955.C'étaitune étape qui avait de nombreux profondseffets surl'Égypte ainsi quele monde arabe en entier.
Malgré la reconnaissance égyptienne de la Chine et les visites mutuelles entre certains responsables des deux pays, il n’y avait pas de relations diplomatiques entre eux. En août 1955, le ministre égyptien de l’industrie et du commerce,Mohammad Abu Nusair, s’est rendu en Chine et les deux parties ont signé un accord commercial en vertu duquel chaque partie établirait un bureau commercial chez l’autre.
Après que les conditions aient été pleinement préparées pour l’établissement officiel de relations entre les deux États, les gouvernements égyptien et chinois ont publié le 30 mai 1956 une déclaration conjointe annonçantla naissance de relations diplomatiques au niveau des ambassadeurs entre les deux pays, ce qui représentait un tournant important en ce qui concerneles relations internationales, compte tenu de la position de l’Égypte par rapport au monde arabe, à l’Afrique et à l'Islam. De plus, cette étape a permis à la Chine d'établir des relations officielles avec les pays arabes et africains, ce qui a aboutit à briser l’embargo occidental que les superpuissances coloniales s’efforçaient d’imposer à la Chine après la Seconde Guerre mondiale.
Le journaliste Mahmoud Awad déclare dans un article publié le 18 décembre 2010 et intitulé « l’Égypte et la Chine - Salutations » : «La décision à cetteépoque était une violente nage à contre-courant, contre les lignes rouges des États Unis.» Awad ajoute : « Les États-Unis ont refusé, après l’arrivée des communistes au pouvoir en Chine en 1949, de reconnaître la nouvelle Chine, décidant que la Chine pour elle est « Formose » ,« Taiwan » et que cette petite île représente tout le peuple de Chine, et occupe même le siège permanent de la Chine au Conseil de sécurité de l’ONU. Il affirme : « La scène était extrêmement absurde certainement – en fait, c’étaient les années de la guerre froide. Il n’y avait pas de Chine du tout sauf au nom de « Formose »et les amis et alliés des États Unis doivent respecter cette classification parce que toute reconnaissance de la nouvelle Chine, la vraie Chine, est un acte d’hostilité contre les intérêts américains.
La réaction de l’administration américaine était violente, notamment de la part du secrétaire d’État, « John Foster Dulles ». L'écrivaine Zainab Issa Abdel Rahman mentionne dans son livre « Les relations égypto-chinoises 1956 – 1970 » que « Dulles » a convoqué l’ambassadeur d’Egypte à Washington « Ahmed Hussein » pour lui expliquer les efforts déployés par l’administration américaine afin d'améliorer les relations entre les deux États malgré la forte pression exercée sur eux par les partisans d’Israël pour qu’ils la soutiennent contre l’Égypte. Cependant, l’Égypte s’est retournée contre les États-Unis et a reconnula Chine populaire, rendant la situation presque impossible pour établir de bonnes relations entre les deux pays. Dulles lui a même demandé : « Nasser veut-il vraiment forcer les États-Unis à soutenir Israël ?
Le lendemain de la décision de reconnaissance, le Département d’État américain a annoncé qu’il faut réexaminer les relations égypto-américaines. Zainab Issa Abdel Rahman continue : « Le 22 mai 1956, Dulles a déclaré dans un communiqué que Washington était favorable aux efforts d’Abdel Nasser pour renforcer l’indépendance de son pays, mais qu’il a pris des mesures qui semblent favoriser les intérêts de l’Union soviétique et de la Chine. C’est pourquoiil doit exprimer son profond regret pour avoir reconnu le gouvernement illégitime de Pékin car les États-Unis considèrent cette reconnaissance comme un acte inamical de la part de Nasser à son égard. »
L’Egypte tenait compte de la colère des États Unis, mais elle a maintenu sa position pour son intérêt national. Mahmoud Awad affirme que « l’intérêt national » était le motif de la décision d’Abdel Nasser de reconnaître la Chine. Il explique : « Il y avait une raison inconnue importante… C’était la décision de nationaliser la Compagnie du canal de Suez »le « 26 juillet 1956 ». Voilà, ce qui préoccupaitsecrètement l’esprit de ce politicienégyptien.Il songeait aux répercussions attendues suite à une telle résolutioninternationale. À titre d’exemple: la possibilité que la France, la Grande-Bretagne ainsi que leurs alliés aient recoursà imposerun embargo économique surl’Égypte, enarrêtant d’acheter du coton alors que leurs achats étaient désormais la principale source pour obtenir les devises étrangères. Nasser alors essayait de trouver des alternatives, ce qui était prudent.
Suite à la résolutiondu défunt président Gamal Abdel Nasser de nationaliser la Compagnie du canal de Suez le 26 juillet 1956 et d’en faire une société par actions égyptienne, la Chine a pris l’initiative de soutenir cette décision le 4 août 1956.Le dirigeant chinois Zhou Enlai a clairement indiqué que la Chine soutenait complètement la nationalisation de la Compagnie du canal de Suez. Puis, le 15 août, le gouvernement chinois a publié un communiqué sur la question du canal de Suez dans laquelle il affirmait le soutien du gouvernement et du peuple chinois à la mesure prise par le gouvernement égyptien pour protéger la souveraineté et l’indépendance de l’État.
En septembre de cette même année, la Chine a réitéré sa position concernant la nationalisation du canal dans un nouveau mémorandum remis au gouvernement égyptien, y ajoutant également son rejet et sa dénonciation des tentatives de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis de déclarer la guerre contre l’Égypte pour l'obliger à revenir sur cette décision,pour imposer, par la suite, leurcontrôle par force sur le canal.
Le 1er novembre 1956, le gouvernement chinois a publié un communiqué condamnant fermement l'agression tripartite contre l'Égypte par (la Grande-Bretagne, la France et Israël), la qualifiant en tant qu’un actebrutal et barbare et affirmant sa position ferme en faveur de la juste lutte menée par le peuple égyptien pour protéger la souveraineté et l'indépendance de l'État.
La position du peuple chinois en faveur de l'Égypte – soutenant sa lutte – était évidente surtout lorsqu’on a témoigné d'une des plus grandes manifestations que la Chine ait connues dans son histoire moderne, poursoutenir l'Égypte et dénoncer l'agression.Près d'un demi-million de citoyens chinois dans la capitalePékin et environ cent millions de masses à travers la Chine ont organisé de grandes manifestations pendant trois jours condamnant l'agression anglo-franco-israélienne et soutenant la juste lutte du peuple égyptien.
Les sources:
« Abdel Nasser et le monde », le journaliste Mohammad Hassanein Heikal.
« Les relations égypto-chinoises 1956 – 1970 », Zainab Issa Abdel Rahman.
« Le Ministre des affaires étrangères des États-Unis Dallas proteste contre la reconnaissance de l’Égypte de la Chine populaire et considère cette decision en tant qu’un acte inamical de la part de l’Égypte envers les États-Unis », article rédigé par le journaliste Saïd Al Shahat.
« L’Égypte et la Chine – Salutations », le journal Al Hayah, Londres, 18 décembre 2010.
« Les relations égypto-chinoises » article rédigé par Hassan Al Saadani.